dimanche 20 février 2011

Sans titre

            Dans mon village comme un ghetto, j’attends. 

J’ai vu un gars, à la télé, dire de la poésie sur un fond de musique.  J’ai vu une douleur.  J’ai lu sur ses lèvres des mots étranges qui sonnaient comme ma vie.  Puis j’ai écrit une page, presque rien.  Mes amis ont bien ri.  Je leur avais pourtant caché.  Le silence est revenu, mais dans ma tête résonnent des vers.  Quelque chose est cassé.  Moi, je ne viens pas du bout du monde chercher ma place dans un pays étranger.  Je l’ai déjà, ma place, qui se mesure en kilomètres d’espace.  On me l’a donnée.  Mais c’est quoi, cette rage?  Et pourquoi rester couché?

Dans mon village, tout le monde sait.  Que le bon temps est passé.  Que les espoirs se meurent.  Que tout ce que nos ancêtres savaient ne s’est pas transmis.  Peut-être qu’ils se sont tus, peut-être qu’on n’a pas écouté.  Mais le silence règne.  Les repères sont hors du temps, volatils. 

Le gars à la télé, dans sa banlieue des laissés-pour-compte, crie des mots qui m’étonnent.  Dans mon village de l’absence collective, nous ne comptons pas.  Nous sommes un nom sur une carte, qui attend de mourir, ou d’être sauvé.  On se plaît à dire qu’on est différents, qu’on est rebelles, mais que savons-nous du monde autour?  Rien.  Et on ne veut pas en connaître davantage.  Qu’on ne nous dérange pas.  Qu’on nous laisse en paix avec ce qui nous manque.  Avec nos enfants avides de tout, qui font leur temps à l’école comme on purge une peine, et qu’on espère voir revenir vers nous le soir venu.  Qu’ils ne s’égarent pas vers un monde trop vaste,  qu’ils ne nous échappent pas.  Rester ainsi, immobiles.

Ce gars à la télé avait peur que le monde l’oublie. Il avait peur de mourir en silence. Ce qu’il disait, je l’ai entendu.  Mais je vais me taire maintenant. 

Car je suis à l’abri, ici, au pied des montagnes où je ne suis jamais monté, de peur que la vue là-haut me donne le vertige.  Comme ce gars à la télé.

Amélie Charest

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